Itinéraire d'un pèlerin peu banal

     Suleyman Utkaner est allé au bout de sa marche à pied vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Ancien donneur, il est parti soutenir le don du sang sur les chemins du pèlerinage.


Visite au centre de transfusion sanguine de Galice

     Suleyman Utkaner vient tout juste d'achever son pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Cet artisan montluçonnais d'origine turque a découvert l'existence du chemin, par hasard, en discutant avec des amis.
     Curieux d'en apprendre davantage, il s'est lancé dans l'aventure le sac sur le dos et le bâton à la main. "J'ai choisi de marcher pour le don du sang car la dimension humaine qu'il implique correspond bien à l'esprit du chemin".

     Trésorier adjoint de l'association pour le don du sang bénévole de Domérat, Suleyman a donné son sang ou son plasma vingt-cinq fois avant que des problèmes de santé ne le lui interdisent définitivement. Le pèlerinage lui a donc offert une belle occasion de s'investir autrement pour ce qu'il considère comme un "moyen simple de sauver des vies".

     Il est parti à pied du Puy-en-Velay, point de départ de la Via Podiensis vers Saint-Jacques-de-Compostelle, un beau matin de 2001. Il a marché plusieurs jours durant et parcouru près de 200 km avant de rejoindre la ville de Conques.

     Pour des questions pratiques liées à son activité professionnelle, il a fractionné son voyage en cinq étapes annuelles. "Chaque fois, j'ai pris sur mon temps libre. Je suis parti en train jusqu'au lieu de départ et j'ai marché jusqu'à l'étape suivant". Vêtu d'un tee-shirt imprimé aux couleurs de l'association domératoise, derrière, et déclinant l'expression "Don du sang" en plusieurs langues, devant, Suleyman a donc relié Conques à Lectoure en 2002 (200 km), Lectoure à Saint-Jean-Pied-de-Port en 2003 (300 km), Saint-Jean-Pied-de-Port à Léon en 2004 (500 km). Avant d'arriver à Saint-Jacques-de-Compostelle après 300 km de marche depuis Léon le 10 mai dernier.

     "J'étais très ému à mon arrivée", se souvient-il encore. "J'ai récupéré la Compostela, le certificat que l'on reçoit sur présentation du carnet de pèlerin, avant d'assister à une messe franco-espagnole. C'était très enrichissant sur le plan humain".

     Il est alors allé à la rencontre des professionnels du centre de transfusion sanguine de Galice, histoire de terminer le livre ouvert cinq ans plus tôt sur une conclusion symbolique.

     "Je voulais savoir comment ça se passe dans leur pays. Nous avons beaucoup parlé et même échangé quelques cadeaux". Suleyman a notamment offert l'un de ses tee-shirts avant de repartir chez lui, apaisé. Un peu différent aussi.


Se surpasser et aller de l'avant

          Suleyman garde au fond de lui le souvenir d'un voyage marqué autant par la souffrance que par la joie. Souffrance due au manque de préparation physique et à la difficulté, parfois, de continuer à marcher.
     "C'est dans ces moments-là que l'on mesure ses capacités mentales. Parce que vous êtes sur le chemin, vous devez vous surpasser et aller de l'avant", explique-t-il. "Vous êtes tellement heureux en arrivant au bout de l'étape que vous trouvez la force de repartir".


Au gré des rencontres

          Il a aussi en mémoire certaines rencontres marquantes faites au gré de son parcours et qui ont, par leur intensité ou leur imprévisibilité, transformé sa vie. "Tout le monde marche et chacun sait pourquoi. Il y a ceux qui cherchent et ceux qui essaient de fuir mais tous parviennent à un certain équilibre. Pour ma part, je suis beaucoup plus tolérant qu'avant. J'ai appris le pardon".

     Suleyman est arrivé au bout de son aventure mais n'en a pas fini avec le chemin de Saint-Jacques - il souhaite à présent le faire d'un bout à l'autre en une seule fois - ni avec son engagement en faveur du don du sang.

     "La population de donneurs vieillit", s'inquiète-t-il. "Il faut encourager les jeunes à donner et à ne pas baisser les bras devant les barrières de l'inscription. C'est vrai pour le sang comme pour le reste. On peut tous s'entraider avec le don".


Extrait de La Montagne (2005)

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